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Larme d'étoile

A la fin des années 1920, Saint-Exupéry assure la liaison aérienne entre Casablanca et Dakar, à travers le Sahara insoumis. Les atterrissages forcés ne sont pas rares, pour cause de panne ou de sauvetage, et il choisit, lorsque c’est possible, la surface lisse de certains plateaux qui parsèment le désert, car le sol y est beaucoup moins mouvant qu’ailleurs.

Ce jour-là, il doit conduire un messager maure chargé d’aller négocier la libération de deux compagnons auprès des dissidents. Il se pose sur l’un de ces larges cônes tronqués pour laisser l’homme descendre. Ensuite, il s’attarde longuement, pris par une émotion poétique devant l’étendue laiteuse du désert. Cette surface est restée offerte aux astres seuls depuis des centaines de milliers d’années :

Nappe tendue immaculée sous le ciel pur. Et je reçus un coup au cœur, ainsi qu’au seuil d’une grande découverte, quand je découvris sur cette nappe, à quinze ou vingt mètres de moi, un caillou noir. "

Ce caillou devrait, comme l’immense majorité des cailloux, appartenir au paysage. Mais, dans cet environnement particulier, c’est presque impossible. Le plateau, composé de sédiments compactés sur trois cent mètres, est beaucoup trop épais et trop jeune pour laisser remonter un silex depuis les profondeurs souterraines. De plus, ce caillou est noir comme un fragment de lave, mais lisse et lourd comme du métal. La déduction vient naturellement :

" Une nappe tendue sous un pommier ne peut recevoir que des pommes, une nappe tendue sous les étoiles ne peut recevoir que des poussières d'astres: jamais aucun aérolithe n'avait montré avec une telle évidence son origine. "

De là à chercher d’autres fruits tombés du pommier céleste, il n’y a que quelques pas. Saint-Exupéry se met en marche, les yeux rivés sur l’étendue. Tout objet venu du ciel doit être demeuré là, intact et ignoré des hommes, depuis des lustres. Et si facile à repérer. L’hypothèse s’avère exacte. L’aviateur découvre bientôt d’autres pierres, disséminées de loin en loin comme les gouttes pétrifiées d’une averse aux dimensions géologiques.

Saint-Exupéry sait que la météorite doit son aspect à l'atmosphère qui l'a fondue, puis façonnée comme une pâte à modeler. Pierre qui tombe se coule en larme. Remontant plus haut le fil de sa rêverie, il comprend que ce diamant noir, si lourd, est une parcelle détachée de la voûte céleste. Il tient entre ses doigts le plus fascinant des ambassadeurs : une larme d'étoile. L’intuition du poète devine ce que les astrophysiciens découvriront plus tard : les météorites, qui relient l'homme aux étoiles, recèlent le secret de nos origines.

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Avant d’entrer en collision avec la Terre, les météorites ont des orbites fortement elliptiques autour du Soleil et tournent dans le même sens que les planètes. La plupart proviennent de la ceinture d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter, notamment de l’un des plus gros, Vesta. Quelques-unes se détachent des comètes. Un petit nombre vient de la Lune et de Mars. Au total, ce sont des fragments de tout le Système solaire qui nous tombent sur la tête.

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Comment reconnaître une météorite d'une roche terrestre ? On peut d’abord l’approcher d’un aimant. Certaines météorites se trahissent aussitôt par une attraction marquée. Mais pas toutes. On peut aussi se fier à cette fine pellicule noire, nommée croûte de fusion, qui témoigne de leur passage à travers l'atmosphère. Presque toutes les météorites pénètrent dans la stratosphère à des vitesses de l'ordre de 20 km par seconde, et leur enveloppe s'échauffe jusqu’à atteindre des milliers de degrés. La surface de la météorite fond, puis se transforme en verre en refroidissant. Enfin, de nombreuses météorites sont plus denses que les roches terrestres, car elles contiennent du fer, un matériau très lourd. La densité moyenne des roches terrestres est de 2,7 g/cm3, alors que la plupart des météorites qui renferment du fer affichent une densité supérieure à 3,3 g/cm3.

Ces trois critères – aimantation, croûte de fusion, densité – permettent d'effectuer un premier tri entre pierres célestes et caillasses terrestres. Ensuite, il faut briser la pierre pour continuer l’enquête. S’il s’agit d’une météorite, elle révélera une intimité gris clair. Mais le doute est souvent permis entre gris clair et gris foncé. En fin de compte, seule l'analyse chimique en laboratoire tranchera.

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La promesse au tréfonds du caillou dessine en riant le ciel

Aux yeux du néophyte, les météorites ressemblent à d'ennuyeux cailloux. Pourtant, à part les quelques kilos de pierres rapportées par les missions sur la Lune (Apollo et Luna), ce sont les seules roches qui ne soient pas terrestres. Sondées au microscope, elles permettent de reconstituer l’histoire du Système solaire, longue de quatre milliards et demi d’années.

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Les météorites nous apportent un témoignage direct sur l’enfance du Système solaire. Mais leur rôle pourrait bien être plus capital encore. Peut-être ont-elles ensemencé la Terre primitive en molécules organiques. Peut-être sont-elles à l'origine de la disparition massive d'espèces survenue voici 65 millions d'années. Peut-être représentent-elles une menace sérieuse pour notre avenir.

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Le noir de la pierre peu à peu se troue, s’étoile.

Le noir de l'étoile peu à peu s’emplit, s’empierre.

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Le terme de météorite figure pour la première fois dans le dictionnaire en 1846. Il est indifféremment féminin ou masculin. Jusqu’au milieu du XXe siècle, on parlera encore " d’aérolithes " ou " d’uranolithes ".

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La station polaire du Cap Morris (côte Nord du Groenland) annonce qu’un aérolithe a dû tomber dans l’Océan Arctique. Des pêcheurs de phoque ont vu une boule de feu traverser le ciel et disparaître à l’horizon. Quelques secondes plus tard, la terre tremblait et la banquise se disloquait ".

Nous sommes dans un album de Tintin, L’étoile mystérieuse, publié en 1942. Le jeune reporter rend visite au professeur Hippolyte Calys qui a photographié la météorite avant sa chute et découvert, en analysant sa lumière, la signature d’un métal inconnu, qu’il baptise calystène. Après moult péripéties, Tintin parvient à s’emparer d’un échantillon de l’aérolithe juste avant que celui-ci ne sombre définitivement dans les flots (quel gaillard, ce Tintin !) L’analyse confirmera la présence du nouveau métal.

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Un peu de terminologie

Un météore est un effet visuel, une traînée lumineuse traversant fugitivement le ciel, de jour ou de nuit, qui se produit quand un corps solide de l'espace interplanétaire pénètre dans l'atmosphère de la Terre. Filant à une vitesse de quelques dizaines de kilomètres par seconde, il est porté à l'incandescence par la chaleur de friction que crée son passage dans l'air. Le projectile est appelé météoride. Sa taille peut aller de l'infime grain de poussière interplanétaire, qui n'a aucun effet appréciable sur la planète, jusqu’à l’astéroïde de plusieurs kilomètres, capable de causer la destruction sur tout le globe.

Un météore exceptionnellement brillant est une boule de feu. Une météoride qui explose de façon audible au cours de son transit atmosphérique est un bolide (du grec signifiant : objet lancé). La plupart des météorides sont des grains minuscules, ne pesant que quelques milligrammes. On les nomme micrométéorites.

Beaucoup de météorides n’atteignent jamais le sol, entièrement consumées pendant leur voyage dans l’atmosphère. Elles animent le ciel nocturne de jolies traînées lumineuses que l’on appelle étoiles filantes. Certains êtres humains sont encore charmés par ce spectacle au point d’y associer un vœu. Ce n'est que lorsqu'elle survit à son plongeon et touche terre qu'une météoride prend le nom de météorite. Toutes, sauf les plus grosses, sont fortement ralenties par la friction atmosphérique, et atteignent le sol discrètement. Seules les météorites de quelques centaines de tonnes, très peu freinées, creusent des cratères.

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Et pour ne pas se tromper

Les astéroïdes sont des fragments rocheux qui orbitent pour la plupart sagement autour du Soleil. Beaucoup sont concentrés entre les orbites de Mars et de Jupiter. On pense qu’ils représentent les résidus d’une planète qui n’a pas réussi à se former.

Les comètes sont des astres beaucoup plus capricieux, mais toujours liés au Soleil. Elles filent aux confins du Système solaire avant de revenir à tire d’aile comme pour se faire pardonner. Elles sont formées de poussières, de roches et de glaces amalgamées qui, lorsque leur trajectoire les rapproche du Soleil, s’évaporent et forment une longue traînée blanche caractéristique — voile de mariée qui célèbre les noces périodiques d’un couple orageux.

Les météorites, elles, peuvent être des morceaux d’astéroïdes, de comètes, de planètes… mais qui ne tournent plus autour du Soleil. Elles tombent sur la Terre, capturées par son attraction. Qui trop se rapproche finit son chemin le nez par terre.

 

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Les astéroïdes peuvent se rencontrer. Tournant tous dans le même sens, en troupeau, leurs vitesses relatives ne dépassent guère 5 km/s. Mais leur masse est trop faible pour retenir les débris issus de ces chocs. Un peu de leur matière est éjectée. Comme les fragments d'astéroïde sont rocheux, ils peuvent survivre au passage à travers l'atmosphère de la Terre.

 

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Au contraire, les débris de comète se volatilisent presque toujours dans l'atmosphère, produisant parfois dans le ciel des averses de météores spectaculaires, mais laissant peu de traces à la surface de la Terre, sinon sous forme de poussières – les micrométéorites.

Certaines météorites ramassées au sol pourraient néanmoins provenir de comètes. Mais la preuve n’en sera apportée que lorsqu’une sonde spatiale se sera posée sur l’une d’elles et aura analysé son sol.

 

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Même des corps célestes imposants, comme Mars ou la Lune, peuvent perdre de petits morceaux en cours de route. Cette fois, il faut des chocs cosmiques formidables pour provoquer l’éjection – ceux-ci ne se produisent que rarement. Les débris sont projetés dans l’espace et errent au hasard, mais leur échouage sur Terre n’est pas fréquent. Trouver un bout de Lune ou un bout de Mars est un événement !

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Les scientifiques sont partagés sur la masse de météorites qui tombe en moyenne sur notre planète. Dans l’hypothèse haute, la Terre reçoit chaque jour 1000 tonnes de matière céleste – essentiellement sous forme de grains microscopiques. Quantité globalement négligeable, qui ne produit aucun changement discernable dans la composition d'ensemble de la croûte terrestre.

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Additionnées sur un an, les chutes célestes représentent environ 36 fois le poids de la Tour Eiffel. 90 % des météorites ne sont jamais découvertes, car ce sont des micrométéorites dont la masse est inférieure au gramme. Quant aux pierres plus grosses, il en choirait chaque année quelques milliers d’au moins un kilo, et une centaine de plus de 100 kilos. Les trois-quarts tombent au fond des océans. Celles qui aboutissent sur la terre ferme sont rapidement dégradées par l'érosion, enfouies par les labours, recouvertes par la végétation. Sous climat tempéré, la croûte de fusion se ternit et prend une coloration brun rouille. La météorite devient encore plus difficile à repérer parmi les roches terrestres. Conséquence : on n'a guère retrouvé que 20 météorites par an, en moyenne, au cours des deux derniers siècles. Cependant, depuis quelques années, les trouvailles se sont multipliées dans l’Antarctique et les déserts. Les météorites n'y tombent pas en plus grand nombre qu’ailleurs, mais on peut les repérer plus facilement.

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Une pierre perdue dans la nature supporte le poids de la carcasse du ciel.

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Les météorites qu’un témoin observe lors de leur irruption dans l'atmosphère et ramasse peu après sont appelées chutes. Celles qui s'écrasent clandestinement et sont découvertes plus tard portent le nom de trouvailles.

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La plus grosse trouvaille française est celle de La Caille, un village des Alpes Maritimes. Cette masse de fer de 625 kilos a servi de banc communal pendant deux siècles, avant d’être identifiée comme météorite en 1828.

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La plus grosse trouvaille mondiale est celle de Hoba, en Namibie. Elle pèse 66 tonnes et n'a jamais été déplacée de son site d'atterrissage, où elle fut découverte en 1920. Il s’agit d’une taille limite. Si elle avait été encore plus grosse, elle se serait probablement brisée en morceaux durant sa traversée atmosphérique.

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Afin de réparer la voûte céleste, la déesse chinoise Nü Gua utilisa trente-six mille cinq cents blocs de pierre. Comme les ténèbres régnaient, Indra, le plus grand des dieux, détenteur de la puissance, brisa le ciel à coups de marteau, libérant la lumière et la pluie. Puisque le ciel est de pierre, il ne faut pas s’étonner qu’il en tombe parfois quelques morceaux. Les anciens chinois nommaient d’ailleurs les météorites wing yun cheng shi, " étoiles tombantes changées en pierre ".

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Voici vingt ans, aux États-Unis, une météorite de 2,7 kilos traverse le toit d’une maison, atterrit dans la salle à manger et rebondit au plafond en traversant une chaise. Dans la pièce à côté, un couple regardait tranquillement la télévision.

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Dans l’après-midi du 14 août 1992, une pluie de météorites pierreuses s’abat sur le village africain de Mbale, en Ouganda. Les autochtones ramassent les morceaux et les pilent pour en faire une poudre médicinale. Puis ils l’ingèrent dans l’espoir de guérir du sida.

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Le 16 décembre 1997, dans le village de Pitalito, en Colombie centrale, une maison flambe. Quatre enfants périssent dans l’incendie. Selon le journal de Bogota El Espectado, le feu a été provoqué par une météorite de 25 centimètres qui a traversé le toit et l’a embrasé.

C’est le seul cas avéré de mort humaine causée par une pierre céleste.

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Mandat du ciel

Dans la première année du règne de Qia Ping (1064), il y eut un bruit terrible, comme de tonnerre, à Chang Zhou, vers midi. Une étoile enflammée, aussi grosse que la lune, apparut dans le sud-ouest. En un instant, il y eut un autre coup de tonnerre et l’étoile vira vers le sud-ouest, enfin avec encore un bruit de tonnerre, elle tomba dans le jardin de la famille Xu, dans le district de Yi-king. On vit un trou en forme de bol dans le sol, avec à l’intérieur la météorite qui brilla pendant longtemps. Même quand elle eût cessé de briller, elle était trop chaude pour que l’on puisse s’en approcher. Finalement, on creusa la terre et on trouva une pierre ronde de la taille du poing, encore chaude. Elle avait même couleur et même poids que le fer ".

La description est de Shen Gua, un astronome de la période Song. Pour les hommes de cette époque, un événement aussi rare ne pouvait signifier qu’une chose : l’empereur avait perdu le mandat du Ciel.

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Le 8 mars 1976, une pluie de débris célestes tombe au-dessus de Jilin, en Mandchourie. Parmi eux, une masse de 1800 kilos. Les villageois l’examinent avec stupeur. Malgré leur éducation marxiste, ils l’interprètent comme un signe que le président Mao Zedong a perdu le mandat du Ciel. Le Grand Timonier meurt le 9 septembre de la même année.

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Quand les troupes confédérées débarquèrent en 1856 à Tucson, en Arizona, elles découvrirent dans l’échoppe d’un maréchal-ferrant une curieuse enclume partiellement enfoncée dans le sol : " l’anneau de Tucson ". Celui-ci présentait une surface plate creusée en son centre d’un trou de 60 centimètres. C'était une météorite de 686 kilos trouvée jadis dans les environs, constituée de fer et de nickel. Elle est aujourd'hui exposée au musée de Washington.

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En l’an 467 avant l’ère chrétienne, une énorme météorite tomba près d'Aegos Potamos, en Thrace. Cinq siècles plus tard, elle était encore visible et sa célébrité parvint aux oreilles de Pline :

" Les Grecs racontent à l’envi que, la deuxième année de la 78e Olympiade, Anaxagore de Clazomènes prédit, grâce à sa connaissance de la science astronomique, qu’à tel moment une pierre devait tomber du ciel ; et cela arriva en plein jour en Thrace, près d’Aegos Potamos. On montre encore la pierre du volume d’une charretée et d’une couleur brune ; et en même temps une comète brillait pendant les nuits. Si l’on croit à cette prédiction, il faut reconnaître que le pouvoir d’Anaxagore fut bien merveilleux et avouer que notre compréhension du monde s’effondre et qu’il règne une confusion générale, si l’on admet que le Soleil même soit une pierre ou en ait jamais renfermé une. Cependant on ne doutera pas qu’il tombe fréquemment des pierres. Dans le gymnase d’Abydos, on vénère pour cette raison, et de nos jours, une pierre de taille modeste, il est vrai, mais dont le même Anaxagore avait, dit-on, annoncé la chute au milieu des terres. Une pierre est aussi l’objet d’un culte à Cassandria, qui portait le nom de Potidée et qui fut colonisée pour ce motif. J’ai vu de mes yeux, dans le territoire des Vocontiens, une pierre qui venait d’y tomber. "

Pline vécut entre 23 et 79, sous les règnes de Néron et de Vespasien. Il était amiral de la flotte de Misène, dans le golfe de Naples, lorsque l’après-midi du 24 août 79 se produisit l’éruption du Vésuve qui détruisit Herculanum et Pompéi. Il s’y rendit pour observer le phénomène et porter secours aux populations, mais il trouva la mort dans une nuée ardente (un nuage de gaz chauds et de débris de lave).

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Aristote, s’il avait vécu au temps de Pline et non quatre siècles auparavant (384-322 av. J.-C.), aurait dit que l’amiral avait été tué par un " météore ". Le philosophe grec était un passionné de classification. Dans ses Météorologiques, il a voulu expliquer tous les événements régis, selon lui, par les échanges entre les quatre éléments constitutifs du monde. Chacun de ces éléments était lui-même la réunion de deux qualités. L'air (chaud-humide) et le feu (chaud-sec) produisent la plupart des phénomènes naturels, tels la pluie, la neige, la grêle, l'arc-en-ciel, les aurores boréales et les éruptions volcaniques.

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Dans son souci de tout englober, Aristote a cru que les manifestations plus lointaines, comme les comètes, étaient aussi des exhalaisons atmosphériques. Sur la météorite d'Aegos Potamos, Aristote écrit que la pierre avait été soulevée par le vent et était retombée ensuite, l’apparition de la comète étant une coïncidence. Ceci est l'occasion de rappeler que le mot météore vient du grec meteôros qui signifie " élevé dans les airs ". C'est la raison pour laquelle les monastères perchés sur les pitons du Mont Athos, en Grèce, sont appelés Météores.