Je songe aux Astres noirs, au troupeau planétaire
Des lourds soleils éteints que le Temps fit déchoir;
Je songe à vous, Étoiles d'ombre et de mystère,
Qui gravitez parmi vos soeurs blanches du soir;
Et que la Terre
Ne peut pas voir.
Ô grands astres d'orgueil dont la flamme est profonde,
Astres fructifiés au flanc fertile et noir,
Où l'Être germe, où l'âme pense, où l'Amour gronde,
Globes divins emplis de sève et de pouvoir,
Nul oeil au monde
Ne peut vous voir!
Notre oeil voit les soleils frivoles au coeur vide,
Les vains soleils de gaz dans l'éther se mouvoir;
Mais ceux qui vont, pompeusement, au ciel livide,
Féconds et lourds, couverts de Vie et de Savoir,
Notre oeil stupide
Ne peut les voir.
Oh! vos flores de pourpre! oh! vos monts de porphyre!
Vos faunes de terreur qu'on ne peut concevoir!
Oh! ruts d'amour qui, par les bois, devez sourire,
Oh! pleurs géants qui d'yeux profonds devez pleuvoir!
L'homme, ô délire!
Ne peut vous voir!
Et moi, songeant à vous, Astres noirs que Dieu roule,
Je pense - et, les yeux clos, je me sens émouvoir -
A ces hautains Poètes noirs, dont le front croule
Plein de pensers, de voix, d'amour, de feu, d'espoir,
Et que la foule
Ne sait pas voir.