André Verdet : Sphère non radieuse



 

Voyageuse rarissime
Des vides intercélestes
Géante bulle à l'égal
D'un ou plusieurs soleils

Elle devrait tournoyer
Sur elle-même comme
Sur sa propre chimère

Graviter comme si
L'invisible ou l'illusion
Fussent sa force motrice

Bien définie elle demeure
Indécelable le rébus

Elle eût pu être pour l'espace
La furtive acclamée l'élue
Une sphère de féeries
Aux couleurs néo-réelles
Nous faire croire au miracle
D'une transparence observable
Elle aurait pu danser légère
Echo dans un miroir
Fugace et consolante

Ne serait-elle qui sait
Ce compact écheveau
De rayons X courbés
Sous la loi singulière
D'un dur tyran masqué
Qui les plierait à croire
à la toujours fidèle
Constante ligne droite
De leur libre trajet

Recluse dans une sphère
Sans écorce impalpable
Mais néanmoins soustraite
Close

Et si froide infiniment
Infiniment si froide
Que l'ombre y creuse
L'ombre de son ombre

La théorie
Les certifie
Mais ils défient
Toute pratique
Et se récusent
Au plus aigu
De l'invisible
Les trous noirs

Trou noir

Il fonde dans l'abstraction
Une force soustrayante
Et fait du minimum
Un empire absolu

Une force de frappe aspirante
Soudaine qui happe au passage
Goulue et qui avale comme
Une sorte d'insondable
Entonnoir des enfers froids

Monstre qui broie
Bouffe
Digère
Et ne rend rien

Absolument rien
Ni la trace
Ni l'écho

Fussent-ils ceux d'un corps
Jadis glorieux et ayant
Rayonné
Reçu
Transmis

Aujourd'hui parcelle d'astre
Rompu dispersé mais encore
Matière contenante et pleine
De possible

Absolument rien
Même pas
L'ombre

Fût-elle celle de la lumière
Lumière d'un naguère
Naguère qui appartint
A un temps un espace
Conjoints et mesurables

Serait-ce
Cette chute sans fin
Comme vers
Un centre sans fond
Et toujours en soi-même
Fuyant

Mêlés intervertis
Le temps l'espace
Se percutant se resserrant
L'espace le temps

Peut-être se dissipant
Au sein d'une nouvelle
Et très sombre encore
Masse d'énergie

Gouffre du monstre tapi

Du monstre qui ignore
Ses origines l'espèce
Son corps et son
Identité

Puissance des cruautés
Pouvoir introverti
Et qui dure qui dure
Dans ce qu'on nommerait peut-être
Malédiction

La question se pose
Dans un noir éclat de rire

Ayant à tout jamais perdu
Ses qualités d'ex-étoile
Il tire néanmoins force et pouvoir
De cette défaite misérable

Courbe-t-il l'espace
Ploierait-il le temps

Faire de son lieu une sphère
Sombre d'attraction critique

Malheur à quoi ou à qui
Tombera dans le Trou

Ce dépassement de soi-même
Dans l'idée de la mort
Ce fol espoir inavoué
Que quelque chose subsiste
En dépit de
Et que la lumière passe outre

Le trou noir
D'un bloc les nierait-il

En nous

Etoile blanche
Trou noir

Le manque crée
Une dimension autre
Récurrente en son
For intérieur

A haut voltage
D'un cocon de germes
Tu avais jailli

Vêtue d'alpha
Tu déferlais dans l'ardeur
Juvénile de tes flammes
Géante gerbe de lèvres folles

Tu tournais dans l'ivresse
Clarifiante de ta lumière

Comme une bleue buée ton aura

Roue radiante tu tournais
Destinée à t'accomplir
En un cycle normal de vie

Filant filant de l'infini
Dans l'arc de ta longue marche

Tu étais devenue totale
Et si fine
Dans une telle masse de santé

Or comment as-tu pu comment
Te laisser au passage saisir
Etreindre enfouir réduire
Annihiler toute à ce point
De non retour où le nul prend
Force implosive de loi

Qu'es-tu maintenant
Toi qui fus l'élue
L'étoile d'un début
L'encore jeune promue

Toi qui n'es même plus
L'atome d'un souvenir
Le résidu d'une énigme
L'identité d'une fin.

 

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