La relativité dans tous ses états (Hachette Littératures, 1998)

Laurent Nottale

Plan de l'ouvrage

Quatrième de couverture


AVANT-PROPOS

Qu'est-ce que la relativité ? Ce nom évoque aussitôt Einstein, E = mc2, le paradoxe des jumeaux... Derrière ces clichés, se profile une des plus merveilleuses aventures de la pensée et de la science. Il s'agit là d'un changement de vision du monde qui remonte à Galilée, et qui a couronné deux mille ans d'efforts de l'humanité pour sortir de la gangue de l'illusion. Il y a quatre siècles, Galilée découvrait que "le mouvement est comme rien". Autrement dit, le mouvement ou le repos n'ont aucune existence propre, seul a un sens le mouvement d'un corps relativement à un autre. Seules comptent les relations deux à deux entre les objets, non leurs propriétés absolues, qui sont dénuées de signification physique.

Ce livre tente tout d'abord de suivre l'histoire de l'idée de relativité, depuis Copernic jusqu'à Einstein, en passant par d'autres grands noms comme ceux de Galilée, Descartes, Huygens, Mach ou Poincaré. On y découvre que la relativité, postulat philosophique et physique, est aussi un principe unificateur, une méthode de construction des lois de la physique, un élément de diagnostic de ses crises, un mode de pensée même.

En 1916, Einstein énonçait ainsi le principe de relativité : "les lois de la nature doivent être valides dans tous les systèmes de référence, quel que soit leur état". Ce principe fondateur de la physique, portant sur l'existence même de lois fondamentales, ne pouvait qu'être appelé à jouer les premiers rôles dans la quête du sens et la recherche d'une compréhension authentique des phénomènes naturels.

Avec le triomphe de la relativité générale d'Einstein, qui englobe toute la mécanique classique et fait de la gravitation la plus précise des théories physiques actuelles, ce rôle du principe de relativité a-t-il trouvé sa fin ? Le développement de la physique au cours de ce siècle a pu nous le faire croire.

En effet, nous rappellerons comment le domaine des très petites échelles, celui des atomes, de leurs noyaux et des particules élémentaires, n'a pu être décrit que dans un cadre totalement nouveau, la mécanique quantique. Or les postulats, les outils, les modes de raisonnement mêmes de la théorie quantique semblent définitivement impossibles à déduire des concepts de l'ancienne théorie classique, donc du principe de la relativité du mouvement.

Cependant, cette théorie quantique reste de nature essentiellement axiomatique, et ne peut, même aujourd'hui, être considérée comme vraiment comprise, au sens où ses nombreux postulats semblent posés de manière arbitraire, quand on aimerait les voir ramenés à un principe premier.

L'idée développée dans la deuxième partie de cet ouvrage est qu'il existe bien un principe fondamental sur lequel fonder la mécanique quantique : il s'agit du principe de relativité lui-même. Mais à condition de le généraliser encore, et de ne plus l'appliquer seulement aux déplacements et aux mouvements, mais aussi aux changements d'échelle, c'est-à-dire aux transformations qui nous font passer des petites aux grandes échelles ou inversement. Un exemple de telles transformations se rencontre en microphysique dans l'utilisation d'une loupe, d'un microscope ou d'un accélérateur de particules, et en physique macroscopique dans celle d'une lunette ou d'un télescope.

Que pouvons nous attendre d'une telle extension de notre cadre de pensée ? Il n'est pas question ici de remettre en question les acquis de la physique. Bien au contraire, il s'agit, nous appuyant sur eux, de tenter d'aller au delà. Ainsi, la relativité du mouvement avait conduit à passer de l'espace plat et absolu de la théorie newtonienne aux espace-temps courbes, relatifs, de la théorie d'Einstein. Nous montrerons de même que le concept de "relativité d'échelle" mène à introduire une nouvelle géométrie spatio-temporelle : l'espace-temps devient fractal, ce qui signifie qu'il va posséder des structures à toutes les échelles.

De nombreuses conséquences de cette nouvelle approche seront finalement évoquées, allant de la possibilité d'une compréhension renouvelée de la mécanique quantique et de sa généralisation vers les très grandes énergies, à la proposition d'effets physiques originaux, en particulier dans le domaine de l'astrophysique.

En effet, l'une des implications fondamentales de la relativité d'échelle est que certains des aspects de la théorie quantique pourraient s'appliquer également aux échelles macroscopiques, mais avec une interprétation différente.

On verra ainsi comment cette théorie, considérée comme une description de la tendance pour un système à former des structures, a été appliquée depuis les systèmes planétaires jusqu'aux grandes structures de l'Univers, y prédisant de nombreux effets cachés, dont certains ont maintenant été dévoilés par les observations astronomiques.


Que mes amis et collègues, Pierre Grou, Jean Chaline, Gérard Schumacher et Georges Alecian, qui ont bien voulu lire les premières versions de cet ouvrage et m'apporter leurs critiques et suggestions, soient ici chaleureusement remerciés. L'exposé s'en est trouvé grandement amélioré.

Ni ce livre, ni mon premier ouvrage (L'Univers et la Lumière, Flammarion, 1995) n'auraient été ce qu'ils sont sans l'intérêt enthousiaste que Louis Audibert a bien voulu leur porter, sans sa lecture patiente, ses conseils et ses remarques stimulantes. Qu'il en soit ici profondément remercié.

Ce livre est dédié à tous ceux à qui je suis relié.