Le chaudron de la sorcière, plat du jour : la magnétosphère

Les ingrédients essentiels

• Une planète ayant un champ magnétique intrinsèque. Ce champ magnétique est généré par des processus internes à la planète. Ces champ varient très lentement (à l'échelle de quelques milliers d'années). C'est le cas de la Terre, mais aussi de Mercure, Jupiter, Saturne, Neptune et Uranus. C'est aussi le cas de certains satellites de Jupiter. Cela pourrait être le cas de certaines exoplanètes (planètes découvertes -récemment- hors du système solaire). Mais jusqu'à présent, on n'a pas identifié de champ magnétique lié aux exoplanètes (une telle identification, à l'aide d'observations de leurs émissions radio demeure possible).
• Un vent stellaire baignant ces planètes. C'est le cas pour toutes les planètes du système solaire, qui baignent dans le vent solaire. Ce n'est pas le cas des satellites magnétisés de Jupiter, qui sont dans dans la magnétosphère Jovienne, et donc isolés du vent solaire. De nombreuses étoiles émettent un vent. En particulier les étoiles jeunes et magnétisées émettent un vent puissant. Le Soleil dans sa belle jeunesse, du temps de la formation des planètes, émettait un vent incomparablement plus fort que le vent actuel. Certains astronomes suggèrent que c'est même ce vent très fort qui aurait chassé l'enveloppe gazeuze des planètes proches (devenues les planètes telluriques), alors que les planètes plus lointaines (Jupiter...Neptune) auraient pu la garder, le vent perdant de son intensité à ces distances.

Préparation

Effets possibles

• Déformation importante du champ magnétique autour de la planète L'interaction entre le vent solaire et le champ magnétique de la planète va modifier profondément la configuration du champ magnétique externe de la planète. D'abord, celui-ci va cesser de s'étendre jusqu'à "l'infini", il va être confiné, délimité par une frontière qu'on appelle la magnétopause.
• Création d'un bouclier contre le vent solaire La magnétopause empèche assez bien le passage du vent solaire. Ainsi, la planète ne recevra pas directement le vent solaire, celui-ci s'écoulera le long de la magnétopause. Une petite partie du vent solaire parvient quand même à pénétrer dans la magnétosphère, elle y suit des chemins assez compliqués.
• Chauffage et accélération du plasma La matière contenue dans la magnétopause est un plasma (matière composée d'ions et d'électrons) très peu dense (plus vide que le plus vide des vides que l'on sache produire en laboratoire), très chaud (jusqu'à des millions de degrés). Bien qu'il soit très chaud, les processus physiques en oeuvre dans la magnétosphère permettent de chauffer encore le plasma, et de l'accélérer à des énergies de plusieurs milliers d'électron Volts (accélération que subirait le plasma si il était soumis à un champ électrique de plusieurs milliers de Volts).
• Turbulences Les magnétosphères sont des régions turbulentes, rien n'y est jamais parfaitement ordonné, tout bouge, tout vibre. Ce n'est pas le chaos, mais c'est très remuant. Parfois (toutes les trois heures environ pour la Terre), il y a des reconfigurations globales et assez violentes qui englobent presque la totalité de la magnétosphère. Dans le cas de la Terre, on appelle cela des sous-orages magnétiques.
• Aurores polaires La seule manifestation visible de l'activité des magnétosphère est constituée par les aurores polaires (aurores boréales au Nord, aurores australes au Sud). On observe des aurores sur la Terre, sur Jupiter, Saturne, Uranus, et Neptune.

Ajouts et Condiments

• Une atmosphère autour de la planète. La Terre, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ont une atmosphère. Dans ce cas, le plasma de la magnétosphère a deux origines : une partie provenant du vent solaire, et une autre, échappée de l'atmosphère. La composition du plasma venant du vent solaire : des ions hydrogène H+, et des noyaux d'helium (moins de 2%). La composition du plasma échappé de l'atmosphère est variable. Dans le cas de la Terre, ce sont surtout des ions hydrogène (H+), oxygène (O+), et des traces d'ions hélium (H+). Mercure n'a pas d'atmosphère, sinon une atmosphère ténue et instable obtenue par sublimation des roches sous la forte chaleur du Soleil (qui est très proche). La magnétosphère de Mercure est mal connue. Une mission spatiale en projet (Beppi Colombo, mission de l'ESA) devrait permettre de mieux la connaitre.
• Une planète en rotation rapide Quand la planète tourne rapidement, le plasma de la magnétosphère dans sa partie la plus proche de la planète est entrainé par cette rotation, par un effet de couplage dû au champ magnétique. On parle alors de plasma en corotation. Dans le cas de la Terre, la zone de plasma en corotation est assez peu étendue et n'a pas d'effet très important sur la dynamique d'ensemble de la magnétosphère. Par contre, le cas de Jupiter est différent : c'est une grosse planète, avec un champ magnétique très fort, et qui tourne vite (en 10 heures). La zone de plasma en corotation occupe une portion significative de la magnétosphère. On pense même qu'elle induit une configuration de la magnétosphère qui est instable, et qui provoque donc de temps à autres, une reconfiguration brutale de la magnétosphère Jovienne comme le font les sous-orage dans la magnétosphère terrestre. Dans le cas de la Terre, le moteur de ces reconfiguration est le vent solaire, dans le cas jovien (ou le vent solaire est faible) le moteur serait la rotation propre de la planète.
• Un champ magnétique dont l'axe de symétrie est très écarté de l'axe de rotation C'est le cas de la planète Uranus, ou les deux axes sont presque perpendiculaires. La conséquence est une très forte dépendance saisonière de la magnétosphère d'Uranus : à certain moments, les cornets polaires sont plutôt perpendiculaires au vent solaire (à peu près comme pour la Terre), et le vent solaire pénètre difficilement. A d'autres moments, les cornets polaires sont face au vent solaire, et celui-ci doit pouvoir s'engouffrer massivement.
• Des satellites ayant une atmosphère orbitant dans la magnétosphère. C'est le cas de la planète Jupiter, pour laquelle les satellites Galilléens sont inclus dans la magnétosphère. Io, le satellite le plus proche de la planète, a un volcanisme intense qui libère des quantites importantes d'oxydes de souffre. Une partie de l'atmosphère de Io s'échappe et se retrouve dans la magnétosphère jovienne. Il s'en suit une trainée de gaz (SO2 principalement), qui devient ionisé, et qui se promène le long de l'orbite de Io. On appelle cette région de tore d'Io. L'environnement d'Io (dont l'atmosphère externe est ionisée) interagit avec la magnétosphère de Jupiter. Les lignes de champ magnétique qui passent au voisinage de Io, sont le siège de phénomènes d'accélération du plasma, et à l'intersection de ces lignes de champ avec Jupiter, on peut observer des aurores assez brillantes.
  La Lune traverse de temps à autres la magnétosphère terrestre, mais interagit peu avec elle, car la Lune n'a ni atmosphère, ni champ magnétique.

Jupiter vu au Hubble space telescope (telescope spatial). La photographie principale est en lumière visible. Les deux images superposées sont en Ultra Violet. On y voit des aurores. On remarque, autour de chaque pole, un grand "cercle auroral". Pour des latitudes plus faibles, au voisinage de ces cercles, il y a deux petites aurores. Leur position correspond au lignes de champ magnétique qui passent au voisinage du satellite Io de Jupiter. Ces petites aurores sont le produit de l'interaction entre Io et la magnétosphère de Jupiter.